L'oiselle

Une oiselle s'est posée sur le rebord de ma fenêtre. Avec ce froid, je ne pouvais rien faire d'autre que l'accueillir, moi qui tente de résister à mon propre hiver.

Elle tremblait, la petiote. Je me suis penché pour la réchauffer. J'ouvrais déjà les bras et mon cœur en oubliant mes heures de vol. Mais elle frissonnait moins de froid que d'excitation. Elle se sentait vivre. Elle palpitait. Elle venait de quitter le nid et s'apprêtait à la migration. Comme elle aimait les gens de plume qui sifflent, roucoulent, chantent et paradent à coup de jolis mots, elle a voleté vers moi. Nous avons picoré quelques miettes de langage en prenant le thé. Je m'accrochais aux métaphores en bégayant comme Papageno devant la juvénile beauté de Papagena. L'oiselle a illuminé mon nid d'aigle et je fus bien tenté de lui proposer la cage. Mais je sais depuis longtemps que toute volière cadenassée entraîne la prise de bec. Et puis sa jeunesse appelait l'espace. Je lui offris tout mon amour pour qu'elle s'envole sans contrainte.

Mon plaisir nait désormais du déploiement de ses ailes.

Extrait du Bestiaire de mon jardin secret, éditions Murmure des soirs, mai 2018